En 2012, à la demande du concepteur sonore Alain Mahé, un français qui revendique ses origines bretonnes, nous entrons en contact avec Sonia Robertson, artiste en arts visuels et ardente défenseuse de sa culture Ilnu (ou Innu, aussi appelée Montagnaise) qui vit à Mashteuiatsh, village situé sur la rive ouest du lac Saint-Jean (Pekuakami en Ilnu) au Québec. Alain veut poursuivre notre recherche hors les murs du théâtre entamée en 2010 dans les ruines de l’ancienne pulperie de Chicoutimi (voir la recherche Dragage 02), mais en s’attachant non pas seulement aux sons du paysage mais à ceux de la culture qui constituent tout autant ce paysage. Guillaume Thibert, jeune artiste en art sonore du centre d’expérimentation musicale (CEM) de Chicoutimi se joint également à l’aventure.

Ainsi du 17 Septembre au 30 Septembre 2012, nos trois artistes réalisent une résidence au cœur de la réserve amérindienne, dans une maison située sur le camping du village pour habiter l’écologie exceptionnelle qui les entoure. Au cours de cette semaine d’immersion, ils vont poser les bases de la recherche-création Liaisons Sonores. Cette étape est la première d’un travail de longue haleine qui se développera sur cinq ans.

C’est le début de l’automne et ils profitent autant de la plénitude du lac St-Jean que des envolées subites des oies sauvages. Toute une nuit, ils s’installent pour écouter le train de marchandise qui traverse la région à douce allure. Ils rencontrent des guides spécialistes des plantes, des musiciens, les animateurs de la radio communautaire, des conteurs, des artisans… Ils plongent aussi dans les fonds d’archives sonores du Musée amérindien et y découvrent par exemple, l’enregistrement sur un disque de cire d’une berceuse du début du XXe siècle à peine audible, chantée par une ainée. Ils ramassent différentes choses sonnantes, comme des branches, des roches, de l’eau, qui matérialisent aussi leurs impressions du paysage lui-même. Peu à peu, ils vont capter leurs expériences, c’est-à-dire des actions in-situ et in vivo qui se sont inscrites dans leur corps et qui constitueront l’unique matériau de leur projet d’écriture.