© 2021 - Chaire de recherche du Canada en dramaturgie sonore au théâtre | UQAC
Si j’étais un poisson…… je serais un capelan
Si j’étais un fruit… je serais un fruit de mer
Si j’étais un pêcheur… je serais direction Sept-Îles à écouter du porno
Si j’étais un pêcheur… je pêcherais par la luxure
Si j’étais une mer…. Je serais la mer morte
Moi je serais la mère michèle
Si j’étais une maison… je serais une cabane de pêche
Si j’étais un quai…Je serais quai de gare
Si j’étais un quai… Je serais brise vague
Si j’étais un saumon… Je serais cuit fumé
Si j’étais une truite… Je serais arc-en-ciel
Si j’étais une baleine… Je serais Moby dick
Si j’étais un dauphin… Je serais rose
Si j’étais un bateau… Je serais un ketch
Si j’étais Laurence en bateau…Je serais matière dangereuse
Si j’étais sur une croisière… Je serais exaspérée des gens qui prennent des selphys
Si j’étais la 132… Je serais un tournant
Si j’étais une guédille… Je serais au homard ou au crabe
Si j’étais un problème… je serais la carpe japonaise
Si on était le 1er avril…. Ce serait le poisson d’avril
Si on était un banc de poisson… on serait un banc de parc
Si on était des cages à homard… on serait ouvertes
Si on était des hameçons… On serait des mouches
Si on était des vagues… On serait des terrains
Si on était chercheurs… on ferait des patentes importantes
22-08-2023
Quai des vireux
Marielle Macé écrit dans Une pluie d’oiseaux « Je suis convaincue en effet qu’il entre dans nos responsabilités écologiques de « faire parole ». Et que l’urgence, pour entendre le monde bruire de sens, l’entendre « parler » n’est pas exactement se taire (même si dans certains ce serait déjà pas mal) mais d’exercer avec soin ses responsabilités de vivant parlant. Car il ne suffit pas d’ouvrir les oreilles pour entendre, il faut s’y mettre avec sa propre voix : écouter par la parole, par la bouche, dans des phrases susceptibles de rendre des mondes, des vies et des liens capables de se dire, de se penser, de se maintenir. La richesse de la parole, son abondance, sa précision, sa force, sa beauté, le soin pris à parler deviennent un indice, une preuve même – la preuve de ce qui nous attache à ce qui nous fait parler (parler davantage et, on l’espère, mieux). » (p. 18)
Béton chaud face à la mer. Ça pêche partout. Tout le monde de Saint Anne est là. Lancer ramener lancer. Un homme aux cheveux long apprend à une femme en bonnet noir à pêcher des tis poissons. Elle pêche rien. A pêche rien. Rien depuis deux jours dans la mer nerveuse pas méchante mais vide. Pas de macros pour l’heure dans la mer noire même les cormorans noirs pareils nombreux volent se lancent pêchent rien revolent filent rasant l’eau mais pêchent rien et crient on dirait merde merde rien merde que dalle. Pourtant tout le monde pêche même un bateau au loin super loin. Un point sombre dans la mer noire qui fait parler le bruit de grosses vagues molles qui parlent qui disent quoi encore
indolentes on est
molles vous croyez qu’on est
mais on roule
préparez vous au pire.
J’entends
préparez-vous au pire bientôt on crie.
J’entends un cri de vagues noires gronder sous le quai. Je l’entends dessous le chaud de mon béton au bout du quai. Moi je m’y prépare. mais la femme qui lance encore non. Elle pêche rien. Personne se prépare. Préfère pêche rien. Que l’eau. Y’a que l’eau qu’on pêche ici. Les macros quand la mer parle au vent eux se cachent. Alors les gens leur voiture leur moto très chère 41000 dollars pêchent rien. Se préparent à rien. N’écoute rien de la mer qui parle. Un quai à pêche rien. Un quai à gens sourds qui pêchent rien.
Le vent plus fort creuse plus les vagues. Ça cogne ça parle peu à peu plus fort. La marée monte.
Une petite fille sans canne pêche pareil. Rien. Tout le monde le sait. On joue. On fake. Fake la pêche. Pour faux qu’on pêche. Pour le fil. Léger le voir voler au-dessus des vagues et pof s’enfoncer se tendre dériver se tendre et se faire enrouler dérouler jeter. Pas pour la mer pour le fil. Ou quoi. C’est moi qui entends rien. C’est pour. Là ça. Une voiture accélère sur le quai pas d’pêche. Attention quai chaud. Léa nous avait Prévenus. Des trucs s’y passent. Des gens. Des vireux.
23-08-2023- maxime saint Louis
Quai à pêche cachée. Quai ponton. Quai chalutier. Quai à Samuel. Et ses enfants. Et toute la famille. Les enfants sur le chalutier pêchent en face des cages à crabes. Quai cage. Rentrer un bras puis un pied. J’aurais dû la tête aussi. Faire le con avec une cage à crabes. Tête de con de cage à crabes qui danse sur le bout du quai. La partie en bois avec les coréens qui pêchent rien. Des coréens pêchent sur le quai cage. Not good fish.
J’ai parlé au gars buriné par le sel. Le pote à Samuel. Le parrain de Léo peut-être. Léo l’enfant qui pêche tout le temps comme Émile le petit frère. En arrivant je les vois autour d’un filet sur le pont du bateau. Les gars réparent le filet et jasent. Pourquoi c’est beau deux gars qui réparent un filet clop au bec et barbe hirsute? Moi je dis sont sexy ces deux gars et leur filet. Les marins leurs mains de marins dans le filet qui nouent renouent les fils cassés. Trop sexy. Pour moi leurs mains leurs doigts durs agiles qui refabriquent les fils. Je sais pas pourquoi ça me ça me comment dire. Je me demande ces doigts cette clop qui fume le filet ça se pourrait je me dis. Et si le filet c’était moi. Moi entre les doigts des marins qui cousent recousent des tis nœuds dans mon filet des tis soins dans mes fils et la barbe et la clop et le blagues et le temps qui file aussi sur le pont. Les doigts dans mon filet paysage. Ça ferait ça de moi un filet en paysage. Entre les doigts des marins pêcheurs gaspésiens. Ah oui. C’est fou. Se sentir se voir pris et accueillis par ces bons gros doigts de pêcheurs. Se sentir sexy en co-paysage avec un filet plein de doigts de marins pêcheurs.
Ça fait ça parfois le paysage vous prend vous tient comme ce filet et on se croit être plus qu’avec. On se croit être lui c’est tout. Lui et moi. Un tout. Un nous. Un paysage-nous. Mon filet dans les doigts des marins nous noue au paysage. Le co-paysage c’est aussi à point là, pas un dialogue.